Valeur de la preuve : rappel des règles en matière de surveillance

Le mode de preuve est libre en matière prud’homal. Il est toutefois intéressant de faire un point sur les modes de preuve réellement admissibles en cas de contentieux judiciaire.

Parmi les modes de preuves, on peut citer l’écrit, le témoignage, le constat d’huissier.

L’écrit est admis en preuve à condition qu’il soit possible d’en identifier l’auteur et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

Ainsi la télécopie (fax) ne peut être admise comme mode de preuve, faute de pouvoir identifier avec certitude son auteur. Attention également au courriel qui du fait de sa modification possible, peut ne pas être considéré comme élément de preuve admissible ou suffisant par les juges. Au contraire, le SMS constitue un mode de preuve admissible.

L’attestation ou le témoignage doit obéir à aux conditions de forme prévues par l’article 202 du code la procédure civile, à savoir notamment qu’il y soit bien précisé que l’auteur est conscient qu’il établit l’attestation en vue de sa production en justice. A défaut, elle peut être rejetée ou toutefois constituer un commencement de preuve. Par ailleurs, elle doit se contenter de relater des faits précis et factuels.

NB : les conseillers prud’homaux ont souvent tendance à refuser les attestations émanant de salariés en poste, estimant qu’elles sont susceptibles d’avoir été écrites sous la pression de l’employeur. 

Le constat d’huissier est un mode de preuve licite dès lors que l’huissier s’est borné à effectuer dans des conditions régulières, à la demande de l’employeur, des constatations matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d’éclairer ses constatations matérielles.

Au contraire de la juridiction pénale, pour être recevable devant le conseil des prud’hommes, les moyens de preuves doivent avoir été recueillis de façon licite et en dehors de toute violation du droit au respect de la vie privée.

En effet, certaines preuves sont illicites ou déloyales. Ce sont celles qui contreviennent à un principe fondamental du droit tel que l’atteinte au droit à la vie personnelle, ou celles qui heurtent le principe de loyauté inscrit dans l’article L.1222-1 du Code du travail.

Le juge du travail va s’attacher à la notion de proportionnalité et au principe de ‘bonne foi’.

Il peut par exemple admettre qu’un salarié puisse s’approprier des documents de l’entreprise à l’insu de l’employeur sans que cela soit qualifié de vol, à la double condition que le salarié doit avoir eu connaissance de ces documents à l’occasion de ses fonctions et que ces documents doivent avoir été collectés par le salarié dans le seul but d’exercer sa défense dans le cadre d’un litige prud’homal l’opposant à son employeur. À l’inverse des pièces confidentielles appartenant à l’entreprise ne doivent pas être dérobées par le salarié pour servir de preuve.

En revanche, les moyens de preuve obtenus par l’employeur de façon illicite ou déloyale ne sont pas recevables devant le juge du travail.

Ainsi l’employeur ne peut pas se prévaloir des faits attestés par un dispositif de contrôle et de surveillance des salariés s’il n’a pas respecté les conditions de mise en œuvre de ce dispositif (information préalable des salariés, consultation des représentants du personnel, déclaration à la Cnil).

Par exemple en matière de vidéo surveillance, l’obligation d’information est également étendue aux salariés mis à disposition auprès d’une autre société. L’employeur qui ne les informe pas de l’existence d’un dispositif de contrôle de leur travail chez le client ne pourra pas utiliser les vidéos en justice.

Un enregistrement vidéo dont le personnel ignorait l’existence ne peut être retenu comme preuve sauf si la caméra se trouvait non sur le lieu d’activité des salariés mais dans un entrepôt normalement inoccupé et était destiné à la surveillance des locaux uniquement. 

La Cnil recommande de ne pas dépasser un mois, en matière de durée de conservation des vidéos.

Mettre en place une géolocalisation (technique qui permet de déterminer en temps réel la position géographique d’une personne par la localisation de son véhicule ou de son téléphone portable par exemple) est possible dans l’entreprise à conditions pour l’employeur d’établir une déclaration Cnil qui viendra préciser les finalités pour lesquelles le dispositif est institué et de consulter les représentants du personnel, notamment sur la finalité du dispositif. Celle-ci ne peut conduire à un contrôle permanent des salariés. Selon la cour de cassation, un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Cnil. L’employeur ne peut donc pas s’en prévaloir pour assurer le contrôle de la durée du travail d’un salarié, sauf si ce contrôle ne peut être fait par un autre moyen (cass. Soc. 3 novembre 2011). En définitif ce dispositif ne pourra qu’exceptionnellement servir de moyen de preuve à l’employeur pour sanctionner des faits fautifs. Il en est ainsi même si le dispositif lui permet de s’apercevoir que deux salariés itinérants se retrouvent à l’hôtel pendant leurs heures de travail.